Deux conceptions de la souveraineté continuent de s'affronter. La première conception est celle d'une souveraineté essentiellement fondée sur la propriété privée. Elle s'inscrit dans une figure du marché considéré comme une collection d'individus souverains et indépendants. C'est la propriété privée qui délimite la souveraineté, borne son exercice et par là même les abus ou imprudences qui lui sont liés. Il s'agit alors de veiller au respect des règles qui régissent cette propriété et à l'efficacité des schémas incitatifs correspondants. Les défaillances inéluctables des marchés conduisent, dans la théorie moderne et en pratique, à imaginer que se constituent des autorités de régulation indépendantes censées appliquer des règles conformes au projet des marchés parfaits. La deuxième conception est celle d'une souveraineté émanant essentiellement d'une volonté politique dans un contexte d'interdépendances complexes et récurrentes entre individus et marchés. Il s'agit, alors, de débattre des moyens d'expression de cette volonté politique et de l'architecture politique qui leur correspond. Une telle architecture n'exclut nullement l'existence de règles, mais elle en limite la portée.
Ce sont ainsi deux conceptions du libéralisme et des relations entre économie et politique qui s'affrontent quoique pas toujours clairement délimitées. D'un côté, toute intervention discrétionnaire est prohibée au bénéfice d'une généralisation des relations concurrentielles de marché et/ou de la mise en place d'une ou de plusieurs autorités indépendantes. De l'autre côté, le libéralisme est impensable sans une intervention qui mêle inévitablement règle et discrétion, et de quelque manière, économie et politique. L'ambiguïté de la première conception vient du rôle effectivement reconnu au marché. Où et quand la règle (la norme) doit elle se substituer au marché défaillant ? Quelle est la nature de cette règle ou norme ? Les réponses divergent sur ces points pourtant importants. L'ambiguïté de la deuxième conception n'est pas moindre : elle vient du rôle respectif reconnu à la règle et à la volonté discrétionnaire.
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