Marxisme et théorie de l'équilibre. La reconstruction incertaine de John Roemer
Fabien Tarrit  1@  
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Université de Reims - Champagne Ardenne : EA6292

Peut-on reconstruire sans la trahir la pensée de Marx à partir de la théorie néoclassique de l'équilibre ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre John Roemer. Aux côtés notamment de G.A. Cohen et de Jon Elster, il fut l'un des principaux contributeurs du marxisme analytique, principalement au cours des années 1980. Sa contribution a porté sur la théorie économique, et il est un acteur central du « marxisme néoclassique » ou « marxisme de choix rationnel ». Selon lui les outils de Marx, vieux de plus d'un siècle, ne sont plus adaptés à la science sociale contemporaine, et la théorie de Marx, en particulier ses fondements économiques, doivent rompre avec l'idée qu'elle détient une spécificité méthodologique. Son objectif est alors de parvenir à des conclusions proches de celles de Marx en utilisant des outils méthodologiques différents. Le marxisme pourrait alors devenir une science à l'aide des outils mathématiques, il est ainsi conçu comme un modèle hypothético-déductif. Son programme de recherche vise à établir que des fondements microéconomiques peuvent être adaptés à la théorie économique marxiste. Son approche se fonde sur la théorie néoclassique de l'équilibre. Nous verrons comment, après avoir déconstruit la théorie marxienne de la valeur, après avoir réfute la loi de la baisse tendancielle du taux de profit, il tâche de redéfinir la théorie marxienne de l'exploitation sur la base de la théorie des jeux, de comportements optimisateurs et de la théorie de l'équilibre.

Dans un premier temps, c'est en généralisant le théorème marxien fondamental formulé par Michio Morishima que Roemer a formulé l'énoncé selon lequel toute marchandise peut être exploitée, et ainsi jouer le rôle attribué par Marx à la force de travail. En reconstruisant la théorie de la valeur travail sous un angle microéconomique, Roemer avait pour intention de parvenir aux mêmes conclusions de Marx indépendamment de la théorie de la valeur travail, en utilisant la théorie néoclassique de l'équilibre. Dans un deuxième temps, il s'appuie sur le théorème d'Okishio pour réfuter la loi marxienne de la baisse tendancielle du taux de profit en affirmant que les contre-tendances micoéconomiques sont structurellement plus fortes que la tendance macroéconomiques. Dans un troisième temps, il transforme la théorie de l'exploitation en retirant la force de travail et en la concevant comme un échange inégale fondé sur un processus d'optimisation de la part de acteurs.

Nous discuterons la cohérence et la pertinence de cette approche, en remarquant notamment que les résultats auxquels parvient Roemer mettent en difficulté l'hypothèse d'unité théorique de l'appareil marxien, et nous nous demanderons si ce qui est remis en cause est la théorie de Marx ou la possibilité de l'associer aux outils de la théorie de l'équilibre.


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