Les économistes britanniques et la défense de l'empire colonial (1870-1914)
Alain Clement  1, 2@  
1 : Université de Tours
Universit�de Tours
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2 : LEO - UMR du CNRS 7322  (Laboratoire d'Economie d'Orléans)  -  Website
Universit�'Orl�s

Au cours de la période 1870-1914, le Royaume Uni dispose du plus grand empire colonial du monde ; il dispose d'un empire très diversifié et très hétérogène qui exerce incontestablement un impact important sur l'économie britannique : à titre d'exemple, la part des exportations de la Grande-Bretagne absorbées par l'empire est d'environ 1/3 des exportations totales. L'empire est donc un débouché essentiel pour l'économie britannique. Le choix du Royaume-Uni fut d'en faire plutôt un empire libre-échangiste. Sur cette période clef de l'histoire coloniale britannique, une vingtaine d'économistes sur les quatre vingt environ que comptent le Royaume-Uni (selon les données fournies par le Biographical dictionary of British economists [2004]), ont pris part au débat colonial. Les principales questions récurrentes concernent la nature et la pérennité de l'empire : Faut-il conserver l'empire ? quels types de relations doit-on envisager entre la métropole et ses colonies ? Doit-on accorder une priorité aux relations impériales sur les relations économiques avec les autres nations ? Quelle forme économique doit-il prendre : une zone de libre échange ? une zone d'échanges protégés ? L'empire représente t-il un coût important pour la métropole, Y a t-il un gain réel à le conserver ?

Deux types de position se formèrent dans les deux premières décennies (1865-1885). La première est assez radicale et se résume le plus souvent à un rejet de l'empire; elle concerne des auteurs libéraux (Cairnes, Fawcett, Rogers, G. Smith, Mallet) qui se situent dans le prolongement du courant de pensée de la Manchester School. En revanche, il existe une position partisane du libre échange et simultanément une position partisane de l'empire chez des économistes qui notamment pour des raisons professionnelles furent en contact avec les instances coloniales (ministère des affaires indiennes, bureau du commerce....) ou/et organisèrent des séjours dans certaines régions de l'empire (Northcote, Jevons et Macfie).

Au cours des trois décennies suivantes, le courant dit de « l'école historique anglaise » (Nicholson, Cunningham, Ashley, Hewins, et Gibbins ) défend l'idée d'un empire protégé à l'image du zolleverein, en raison du scepticisme que les auteurs partagent par rapport au libre-échange. En revanche Marshall et Giffen tout en soutenant l'idée d'un empire colonial, envisagent le maintient d'une structure très libérale entre les membres et à l'extérieur de l'empire avec les autres nations. Hobson restera le seul et véritable opposant sur la base d'arguments anti-impérialistes, arguments que quelques années plus tard Lénine et le courant marxiste reprendront à leur tour.

Ce papier qui doit clore une histoire de la pensée économique consacrée à la question coloniale sur la période XVIe-XXe siècles dans la pensée britannique et française montre une nouvelle fois que le fait colonial est un laboratoire d'expérimentation et d'application des idées économiques classiques et des nouvelles théories en gestation.


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