Une préhistoire de la macroéconomie ? A propos du livre II de la Richesse des nations.
Daniel Diatkine  1@  
1 : Centre d'Etudes des Politiques Economiques  (EPEE)  -  Site web
Université d'Evry-Val d'Essonne, Université d'Évry-Val-d'Essonne

Daniel Diatkine

 

Une préhistoire de la macroéconomie ? A propos du livre II de la Richesse des nations.

 

Autant la structure du premier livre de la Richesse des nations semble claire, autant celle du second livre demeure obscure. Smith y énonce que son objet est l'accumulation du capital, mais les deux premiers et longs chapitres sont étranges, si on les lit sous ce point de vue, puisqu'ils reviennent à dire que la substitution du papier monnaie aux métaux précieux est favorable à cette accumulation, car elle permet d'économiser une partie de la quantité de métal nécessaire à la circulation. Quelle que soit le prix des métaux précieux, il semble difficile de voir là comme le fait Hugh Rockoff (2013, 208) « the main problem » dont la solution (le papier monnaie) est indispensable à l'accumulation du capital. Le troisième chapitre semble enfin aborder le cœur du sujet, puisqu'il fait de l'emploi de travailleurs productifs un critère distinctif de cette forme particulière d'enrichissement qu'est l'accumulation du capital. Cependant le quatrième chapitre semble abandonner le sujet puisqu'il expose (après Hume) que le taux d'intérêt dépend du taux de profit. Enfin le dernier chapitre est consacré aux différents emplois des capitaux, et expose laborieusement que les investissements n'ont pas le même effet sur la croissance et l'emploi selon le secteur auquel ils sont consacrés.

L'objet de ce papier est de présenter une lecture qui donne permette de comprendre ce désordre apparent. On montrera qu'il est l'effet de difficultés théoriques rencontrées par Smith. En effet Smith nous propose dans ce livre II de solides raisons de douter qu'il existe des processus susceptibles de rendre compatibles d'une part les décisions d'offre et de demande de monnaie, d'autre part les décisions d'épargne et celles d'investissement. Les difficultés théoriques (et pratiques) que rencontre Smith ne sont ni nouvelles, ni aujourd'hui résolues. Le double usage de la monnaie déjà mis en évidence dans la Politique par Aristote (prêt à intérêt et intermédiation des échanges) autorise une confusion aussi dangereuse pour le système bancaire que pour l'accumulation du capital.

On peut donc proposer alors la lecture suivante du livre II :

 

La monnaie fait-elle partie du capital ? (chapitre 1)

Les banques sont- elles nécessaires à l'accumulation du capital ? Pourquoi les paniques bancaires ? (chapitre 2)

En quoi consiste l'accumulation du capital ? (chapitre 3)

Le marché financier est-il nécessaire à l'accumulation du capital ? Pourquoi les crises financières ? (chapitre 4)

La dynamique de l'accumulation du capital (chapitre 5 et chapitre I du livre III).

Ce sont ces questions qui ont conduit les économistes à tenter d'y répondre au travers de la macroéconomie.

 

Réfèrences.

 

Morris Perlman (1989), " Adam Smith and the Paternity of the Real Bills Doctrine ", History of Political Economy, vol. 21, n°1, spring.

 

Hugh Rockoff (2013), “Adam Smith on Money, Banking, and the Price Level”, The Oxford Handbook of Adam Smith, Christopher J. Berry, Maria Pia Paganelli, and Craig Smith (Editors), Oxford: Oxford University Press.

 

 

 



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